Orphelin

2015
16.03

J’aime à le dire, souvent : J’ai toujours été un vieux con. Le temps a passé, et j’ai fini par fréquenter des gens plus jeunes, auprès de qui il est devenu possible de l’affirmer sans que ce soit absurde. Mais au fond, comme beaucoup d’autres, surement, je n’ai jamais vraiment grandi.

Jusqu’à ce matin du premier novembre, le jour des morts, où, bien que je ne le sache pas encore, je me suis réveillé orphelin. Un grand gamin de 34 ans qui avait perdu ses parents.

Depuis, bon gré mal gré, je suis, par la force des choses, un adulte. Mes amis me servent de béquille, mais bientôt, je devrais marcher, réellement, seul, sans personne pour me relever quand je tombe.

Je me souviens que lors de mon premier grand chagrin d’amour, après quelques semaines à essayer de surnager dans ma peine, à me noyer dans des soirées, j’avais appelé Maman, un soir. Elle était venue, sans même y réfléchir, et m’avait ramené à la maison. J’avais 20 ans, et je pense me souvenir qu’elle avait vite retrouver ce geste, qui pourrait sembler incongru, qu’elle avait pour me calmer quand j’étais enfant, de caresser mon postérieur.

Je me souviens ne pas avoir capté sa détresse lors de la mort de sa propre mère, deux ans plus tôt.

Je me souviens qu’à chaque faux-pas, à chaque embûche, d’une manière ou d’une autre, qu’il ait fallu qu’il le soit ou non, ils étaient là. Toujours prêts à me relever, à m’aider, à me soutenir. Quelle chance j’ai pu avoir, de les avoir.

Alors, évidemment, qui soigne ma peine, aujourd’hui ? Qui puis-je appeler pour me consoler ? Mon père avait appris à m’écouter, et à me comprendre, malgré les murs immenses qui nous séparaient. Ma maman savait m’entendre, me parler. Je la prenais souvent dans mes bras, le soir. Lui montrer que je l’aimais.

Mais maintenant, seul, il n’y a personne pour me consoler. Personne pour me dire que cela passera. L’ultime mensonge raconté aux enfants. Des fois, les peines ne sont pas des gros chagrins. Des fois, elles ne passent pas. Des fois, on s’habitue juste à leur présence, on les range dans un coin, avec les autres, de plus en plus lourdes à porter, et on continue à marcher. Sur ce chemin qui, imperceptiblement, nous mène à oublier qu’avant, quelqu’un d’autre portait notre fardeau.

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