Des jours et des nuits sans se voir, sans s’écouter, à se savoir vivre, et à ne savoir que ça. Plus jeune, on trouve ça lâche, on trouve ça petit, parce qu’il faut prendre la vie à pleines mains, se gargariser de ses malheurs, vivre ses joies à cent à l’heure, ignorer le présent quand il n’est pas le bon pour penser un futur forcément flamboyant. Et puis le temps passe, les nuits sans sommeil, les années courent sur un destin qu’on croit en droite ligne. Et puis on se réveille un jour, et on voit. On voit que les rêves qu’on avait fait n’étaient peut-être pas les siens, on voit que l’on est toujours autant rien, ou si peu.
Je regarde ce que j’ai, et moi qui croyais que ce ne serait qu’un bout si infime de ma vie, je m’aperçois que tout est là. Que les rares amitiés que j’ai construites prennent tant de place dans le vide, que les petits moments de joies que j’ai collectés sont en fait le ciment de ce que je veux faire. Je me casse la figure, je me relève toujours, mais par terre, que la montée a l’air dure…
Comme d’habitude, parce que je commence à l’avoir, l’habitude, depuis le temps que je vis en phasique, en bipolaire, comme disent ceux qui savent. Comme d’habitude, un coup de blues, ou plutôt, la phase dépressive du maniaque, qui m’habite, toujours.
N’y a-t-il donc pas un interrupteur à tourner, une petite chose dans mon cerveau à tourner sur le mode heureux ? Ou aveugle, peut-être. J’ai des rêves, mais je ne sais pas ce qu’ils sont. J’ignore même s’ils sont compatibles entre eux. Je courrais derrière, jusqu’à ce que je sache, enfin, si cette foutue vie peut être aussi belle que je le dis souvent. Si moi aussi, je peux croire au boniment que je sors aux déprimés.
je la grimperais, cette foutue montagne.
