Archive de juillet, 2006

Les barreaux et le désir


2006
04.07

Une période de ma vie me laisse toujours à l’âme un sentiment de plénitude, de bonheur simple et d’accomplissement. Une période où, pourtant, je n’accomplis rien.

Il y a déjà longtemps, ma meilleure amie et moi travaillions dans des bars. Notre vie, pendant un temps qui me semble avoir duré des mois, mais qui pourtant ne doit s’étendre qu’à quelques semaines, s’écoulait au rythme des verres que nous alignions sur les comptoirs ou dans les salles de ces endroits nocturnes. Elle commençait son service avec moi de l’autre côté du comptoir, puis je partais rejoindre mon propre comptoir. Nous nous retrouvions à la fin de la nuit, parfois dans un autre bar, passions prendre notre petit déjeuner dans la meilleure boulangerie de la ville, louions un DVD ou deux, et rentrions dans son petit appartement dont l’unique fenêtre n’arrivait pas à remplir la pièce de la lumière du jour naissant.

Enlever ses chaussures avec un soulagement significatif du travail abattu, filer sous la douche, nous mangions, traînions devant la télé, puis, souvent, faisions l’amour quelques heures avant de plonger dans le sommeil, l’un dans l’autre. Nous gagnions suffisamment notre vie pour nous offrir ces plaisirs futiles, aucune question ne se posait. Tous nos besoins étaient remplis, simplement, presqu’innocemment. Notre besoin de séduction était rempli par notre vie nocturne, aucun sentiment ne venait réellement troubler notre paix.

Bien sûr, ce genre de moments restent suspendus au milieu du temps, mais ce dernier nous rattrape, forcément. Le besoin de faire pour les autres nous reprend, et l’amour, aussi. Elle fut amoureuse de son amant si présent, ce qui mit fin à notre relation.

Peu de temps après, elle rencontra un homme, et elle se mariera sans doute cet été. Je n’en suis pas certain, car j’ai perdu le contact avec elle. Son homme fut jaloux de ce que nous avions vécu, su qu’elle avait souffert de moi, et lui interdit de me voir. Notre relation finit donc par se résumer à quelques cafés dans un bar froid et sans âme, quelques après-midi par an, quand l’autre tournait le dos.

Pourquoi ces moments me reviennent, encore une fois, en mémoire… Cet homme m’a appelé par erreur il y a peu. Une erreur sur deux contacts au même prénom dans le portable de sa femme. Et hier, une erreur de numéro. Dont je ne me souviendrais plus dans une semaine si une autre femme, avec qui j’ai passé deux ans de ma vie, ne m’avait appelé à l’instant, pour m’apprendre que son homme avait voulu savoir quel était donc ce numéro dans le portable de sa promise. Lui aussi refuse qu’elle me connaisse encore.

Comment les hommes peuvent-ils donc encore, au 21ème siècle, que diable, ne pas avoir compris qu’on ne garde pas une femme de son désir avec des injonctions péremptoires, des obligations conjugales et des serments ? Qu’aucune interdiction ne peut empêcher quelqu’un d’aimer. Bien sûr que ces deux femmes m’ont désiré. Peut-être ce désir n’est-il pas mort encore. Mais leurs caresses sur leur corps frémissant, si leur amour est assez puissant, le désir de leur femme pour eux, seul, peut les empêcher de vivre ailleurs ce qu’elles ne trouveraient pas dans leur couche. Faut-il donc être naïf encore pour croire que des barreaux arrêtent le désir des femmes. Ou si faibles.

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Rencontres parisiennes


2006
02.07

La France a gagné. Ce fait présente pour moi autant d’intérêt que d’apprendre que le prince Charles a un nouveau furoncle, mais mérite d’être noté pour une meilleure compréhension de la suite.

Comme tout bon bipolaire qui se respecte, je n’avais pas le moral. Une amie, toujours si présente et attentionnée, me conviait donc avec elle à une petite sauterie agréable, à base de buffet et de bêtises pérorées sur l’air des lampions dans une ambiance guillerette. Une bonne soirée, en somme. Mais, sur Paris, vient, si vite, le moment de rentrer chez soi. Entre gens de bonne compagnie, on ne se bourre pas la gueule pour finir comme une épave un pétard à la main sur la moquette pendant que Josette et Marcel baisent dans la salle de bain dont Franck martelle la porte pour pouvoir vomir. Non, ce genre de joyeusetés est ignoré, et nous rentrons tous sagement chez nous, souvent avec le dernier métro, ou le premier bus de nuit venu.

Seulement, comme dit plus haut, la France a gagné. Et les supporters sont joueurs. Donc, non contents de hurler leur joie aux oreilles des honnêtes gens qui souhaiteraient dormir, ils cassent des bus. C’est marrant de casser des bus, presque gouleyant. Mais pour les gens de bonne compagnie qui veulent rentrer chez eux, c’est tout de suite moins drôle. Parce qu’on fait arrêt de bus sur arrêt de bus, espérant que celui-ci arrivera par les voies du Saint-Esprit, ou un itinéraire bis inconnu du profane.

Et c’est là où ça devient drôle. Parce que dans cette situation incongrue, les inconnus passifs deviennent des comparses de galère, et qu’on finit par marcher de concert jusqu’au prochain échangeur. Parce que dans ces moments d’absurdité urbaine, on prend plaisir à discuter avec un quidam ou une charmante, sans autre calcul qu’un échange badin et vaguement protestataire.

Finalement, le bus, il finit par sortir du hangar où il a été parqué pour éviter les enthousiasmes bussicides des supporters, et vint nous chercher. Mais pendant ces quelques instants, nous étions tous frères, finalement.

Et puis, bon, j’ai aussi rencontré une charmante jeune fille maquée. Personne n’est parfait, il est vrai.

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