Archive de novembre, 2007

Performances


2007
22.11

Dans le sexe, il y a surtout les choses qu’on a faites, et celles qu’on a pas (encore) eu l’occasion de tester. Le reste, l’amour, se passe parfois de ce genre de considérations.

Ma première avait déjà eu quatre amants. Enfin, en réalité, trois. Elle s’en était inventé un pour rattraper les trois autres. Un qui n’aurait pas été un fieffé enfoiré. Et moi, jeune chevalier vierge à l’assaut de mon premier temple, j’ai subi le poids de ces trois-là, et de tous les autres depuis. Ce serait mentir que de dire que le nombre n’avait alors pas d’importance, pour moi. Mais je sais que mon maître-étalon reste cette charmante blonde, et qu’elle me ballade toujours de quelques longueurs, d’ailleurs.

Alors, des fois, je compte. Et plus le temps passe, plus j’ai l’effroyable sensation que dans ce petit lac de caresses offertes et reçues, je pourrais en oublier une. Pas forcément la plus médiocre, juste celle qui ne rentrerait plus dans le cadre de l’histoire que je me raconte quand je repasse ma vie. Parce que c’est cela, qu’on fait, quand on compte. On se repasse son existence, « ah, tiens, elle, je venais de rentrer en fac », ou, « celle-ci, c’était mon arrivée à Paris »… Et dans ce chemin défendu, j’ai souvent peur de me tromper…

Alors comptons. Il y a donc eu la princesse au corps de rêve et au visage d’enfant, que j’ai aimé si fort. Une. Ensuite, il y a eu celle sur laquelle mes mains ne s’emboitaient pas encore de chercher la précédente, et qui me faisait tant rire que je pense que j’en étais amoureux. Deux. Puis, cette fausse rousse plantureuse rencontrée pendant ma période d’errances nocturnes, et qui fut ma meilleure amie jusqu’à sa rencontre avec celui qui l’a guérie de moi. Trois. Cette grande brune trop maigre et si fragile dans mon tee-shirt prêté pour la nuit, qui me fit peur par une exclamation inopportune au moment de s’empaler sur moi : « Oh mon dieu que c’est bon de sentir une… » Je n’appris que des années plus tard l’histoire qui l’avait conduite à se dérégler. Quatre. Cette jolie brune qui se penche vers moi au dessus d’une table d’un bar-karaoké : « Tu seras là jeudi prochain ? » Cinq. Celle qu’il m’arrive d’oublier, tant, justement, ma vie était troublée, petite vendéenne tout juste débarquée en fac. Six.

Viens ensuite celle qui va réveiller mon cœur blessé, « levée », il n’y a pas d’autres mots, en la caressant au fond d’un bar à la mode, si jeune, et qui partagera deux ans de ma vie à se reprocher de n’être pas la première, finalement. Sept. Cette petite rousse pétillante rencontrée dans un train, et avec qui l’histoire commence par cette nouvelle écrite sur la tablette et glissée dans sa main quand elle descend… Huit.

Là, j’arrive sur Paris. Et suis étonné de n’en compter que si peu, alors que chacune de ces histoires prend une telle place pour moi. Je pense que les femmes, alors, me voyaient trop venir. Maladroit, grand escogriffe trop timide…

Je parle avec un mec sur le net, le rencontre avec sa femme quelques temps après. Neuf. Une femme envoutante, qui me guérit définitivement de toutes les autres, ou presque. Dix. Dans la douleur de la précédente, une fille que je trouve intelligente, future consœur journaliste. Onze. De là, j’ai comme la sensation que les choses s’accélèrent. Comme si avec l’age qui me forge, les femmes se faisaient moins farouches. Je ne suis pas sûr. C’est surtout la période où certaines ne resteront que quelques nuits. D’ailleurs, devant mon clavier, je peine à déterminer réellement qui est la suivante.

Parce que la suivante n’a pas été complète. Jeune femme déjà engagée et se sentant délaissée, j’entame pour la première fois une historiette avec celle d’un autre. Passons.

Une fille rencontrée plusieurs fois, que nos discussions un peu déviantes conduisent jusqu’à mon lit pour une réelle catastrophe partagée. Douze. Une autre que j’oublie, parce qu’elle est fantasme plus que rencontre, enserrée contre la porte de sa salle de bain avant même de voir son visage. Treize. Une charmante nymphette à la dérive, qui atterrit entre mes mains pour quelques nuits. Quatorze. A chaque fois, je suis impressionné de me rendre compte que chacune ou presque a sur moi une avance considérable. Je me dépêche. Je file d’autant plus vite à l’assaut d’autres lits, comme si je me devais de les égaler. Peut-être ce vieux relent de fierté masculine en moi qui voudrait trouver chacune vierge, ou au moins plus que moi…

Non, je mens, je crois. Je pense qu’en repassant cette liste, je compare surtout les tableaux de chasse. Je me repasse surtout toutes ces occasions manquées, ces femmes qui n’ont pas voulu de moi, celles qu’un autre que moi a pu avoir. Plus qu’elles, l’important, dans ce jeu de dupes, ce sont eux. Ces fameux mâles aux conquêtes forcément plus importantes que les miennes, c’est à eux que je me compare, imbécile que je suis. A ces hommes qui les ont méprisés, ou à ceux qui les ont mieux compris, et qui auront fini la nuit avec la reine du bal, quand je rentrais tout seul avec mes fantasmes, mes vieilles illusions sur la séduction et mes envies manquées.

Mais je détourne l’attention. En vérité, j’ai du mal à voir les suivantes, et j’en ai beaucoup plus honte, je crois, que celles que j’ai ratées. Auraient-elles eu moins d’importance ? Je m’en voudrais, pourtant.

La suivante est l’Amante. Par excellence. Celle à qui l’on demande tout. Celle par qui on l’obtient. Jusqu’à ce que son désir à elle s’amenuise, parce que l’amour ne la retient pas. Femme qui ne se savait pas forcément belle, que je sublime, prétentieux que je suis, au moins dans son regard à elle. Quinze. Une jeune femme perdue, ne connaissant pas encore son désir, et qui me maudira pour beaucoup de choses, mais aussi pour le lui avoir montré. Seize. Une autre désœuvrée, qui viendra quelques fois jusqu’à chez moi, et que je m’en voudrai de ne pas désirer. Dix-sept. Le sexe devient parfois un peu glauque, à ce moment. Quand le nombre grandit, j’ai comme cette impression de me balader dans une sorte de vieux club échangiste miteux, mais dont je ne veux pas sortir. Le fantasme se substitue au désir pour continuer, parce que les émotions sont mortes. Même les femmes intéressantes sont devenus des accessoires pour mon désir en berne. Une grande blonde passionnée, justement, à côté de laquelle je passe allègrement. Dix-huit.

Et finalement, j’attends que l’émotion reprenne. J’ai appris à caresser les corps, mais surtout à savoir qu’on ne sait jamais rien. Que l’intérêt est justement de réapprendre à chaque nouveau corps à interpréter les signes qu’elle voudra bien laisser, à laisser mon propre corps s’abandonner à leurs mains. Je me dis que la réelle performance serait de les aimer à nouveau, pour me sentir moins vide, quand elles repartent, mais j’ai tellement peur de ne pas pouvoir en caresser assez. J’ai une leçon à apprendre, mais ce n’est jamais la même. Je voudrais être savant, mais même mon corps semble démuni face aux nouvelles contrées. La chair est joyeuse, un peu mélancolique, et les quelques caresses échangées ensuite rappellent que finalement, peu nombreux sont ceux qui ne sont pas en recherche de tendresse autant que de plaisir.

Et hier soir, dix-neuf.

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Envole-moi


2007
16.11

On est un peu après le solstice de printemps, si je me souviens bien. Mais ça n’a pas d’importance. Enfin, si, ça en a, parce que c’était sans doute la période des mariages.

Elle revenait d’un mariage, justement. Son compagnon l’avait accompagné. Elle était très amoureuse. Je le sais parce que j’ai su sa première nuit avec lui, dans une chambre d’hôtel, et les meubles renversés quand il l’a portée pour la prendre. J’ai un peu moins su sur les autres.

J’étais toujours le confident. Et un peu plus, si je me rappelle bien. Nos conversations déviaient encore, souvent. Elle refusait de baiser sur le fauteuil du salon, parce que j’avais aimé la prendre dessus, et que nous n’avions pas fini l’étreinte.

Ce soir-là, donc, le 4*4 de location avait eu beau fendre les autoroutes de Bretagne à Paris, elle avait raté son train. Lui filait tout droit, vers l’Allemagne, ou la Suisse, je ne sais pas trop pour où l’on passe pour l’Autriche. Coup de fil.

« J’ai raté mon train, je peux dormir chez toi ? Je repars demain matin ». Bien sûr qu’elle peut dormir chez moi. La voilà donc qui arrive, un peu énervée des tensions de la voiture avec son homme, stressée, agacée, surement. Je la regarde aller et venir dans l’appartement, s’installer sur le balcon pour fumer son énième clope de la journée. Je me dis qu’elle est belle.

On parle, elle est lasse, je finis par déplier le lit. Et puis lui propose un massage, évidemment, elle a les yeux tellement… Je ne sais pas. L’histoire est classique, j’enlève son haut pour mieux prendre possession de son dos, elle devient lascive, semble fondre dans le matelas. Je crois qu’elle doit enlever son pantalon toute seule. Nous sommes toujours les dupes du fameux massage. Elle doit demander ce que je veux, je crois. Pour toute réponse, je m’allonge contre elle pour qu’elle sente la formidable érection qui déforme mon pantalon entre ses fesses. Aucune réaction.

Et puis tout devient flou. Je sais mes doigts qui la fouillent, ma langue entre ses cuisses. Je sais qu’elle n’a pas quitté sa position allongée, sur le ventre. Je sais qu’elle n’a pas dit oui. Et puis, je ne sais pas comment elle a dit non. Alors que ses fesses se collaient à moi. Non. Bien sûr, je sais qu’elle a subi un viol étant plus jeune. Elle est guérie depuis, mais elle a gardé ce fantasme, et elle sait combien j’aime la dominer dans nos rapports. Alors elle dit non. Je l’insulte, la malmène quelque peu. De temps en temps, elle donne un coup de hanche aléatoire pour me faire sortir. Je replonge en elle en la couvrant d’injures pendant qu’elle se tortille pour faire semblant de ne pas aimer ça. Je cramponne ses mains au-dessus de sa tête, cloue ses hanches au matelas.

L’excitation a posé un voile sur toutes ces scènes. Je ne sais plus comment je l’ai retournée, plus pourquoi je n’ai pas joui, je la vois allumer une cigarette, après. La plus belle étreinte qu’elle m’ait offerte, et la porte vers l’univers du BDSM. Je me demande souvent si ce n’est pas lui, le fantasme ultime qui donne naissance à ces pratiques. Soumission, violence. Un viol rendu acceptable ? L’un qui possède de sa simple volonté, et l’autre qui n’a plus qu’à subir.

Le lendemain, elle me dit à la gare qu’elle va se marier. Avec lui. Je me souviens qu’elle m’avait dit que c’était son enterrement de vie de jeune fille, la veille, et qu’elle avait peur de me faire mal. Peu importe. C’est encore à moi qu’elle pense les rares fois où sa main va vers ses cuisses. D’ailleurs, elle est célibataire.

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