Archive de avril, 2012

Un plus beau chemin


2012
04.04

La colère. Devant les mots qui se sont enfuis. De ne pas avoir résisté à l’envie de t’entrevoir dimanche, plutôt que d’écrire les émotions encore vivaces qui me traversèrent la nuit précédente. Aussi que l’alcool ait été le facteur qui me réunit aux autres. Mais même maladroitement, il faut dire…

Nous ne nous étions pas vraiment vu depuis cette étreinte sur le toit d’un parking du centre ville. Un silence assourdissant, depuis que je t’avais avoué que mes sentiments à ton égard dépassaient certainement le cadre de notre jeu : Ma jalousie, en prenant conscience que je n’étais évidemment pas ton seul amant, m’avait alerté. Juste te croiser dans un bar où tu me convies le soir même de cet aveu, et où je te trouve si occupée que je pars à peine une heure plus tard, sans avoir pu partager plus que quelques paroles banales. Quelques mots seulement échangés en ligne, en regard des heures que nous avions passées à nous dire notre désir par prose interposée. Mais aussi les rendez-vous que je rate. Quand tu m’invites à te rejoindre toi, ton homme et un couple d’amis dans un sauna naturiste : Non, il était hors de question que je découvre ta nudité offerte sans que je l’ai conquise. Et ces dimanches après-midi dans un parc où je te rate parce que mes insomnies me conduisent alors à dormir tout le jour. Tu m’as dit m’en avoir voulu de mon absence : « Je voulais que tu viennes ! » Petite ingénue capricieuse.

J’en étais venu à me demander : T’étais-tu déjà lassée… Avais-tu trouvé des satisfactions plus grandes dans d’autres bras encore ? Et puis ce samedi, ton compagnon convie tes amis pour te faire une surprise pour ton anniversaire. Je suis sur la liste. Un sms envoyé : « On se croise la semaine prochaine ? » ; ta réponse par l’affirmative me convainc de venir. Je suis donc là ce samedi soir, au milieu de ces amis que je connais à peine. J’arrive dans les premiers, et je te crois contente de me voir. Tu as surement déjà deviné que ces gens ne sont pas là par hasard, mais tous jouent le jeu. Tu portes une de tes habituelles jupettes froufroutantes, si courtes sur ton derrière bombé que je ne devine pas encore.

Nous échangeons toujours quelques regards. Je ne sais trop quoi te dire au milieu de tous ces gens inconnus. Un peu plus tard installés dans un kebab près de la Grand-Place, je cherche à fixer ton image derrière mon objectif. C’est finalement avec ton amoureux qui embrasse ta joue que je capte tes yeux. Je vous trouve beaux, tous les deux. Je sais que tu salues un nouvel arrivant en lui tendant tes lèvres. Puis, alors que tu t’es finalement assise à côté de moi, l’un de mes doigts effleure ta cuisse. Tu ne bouges pas alors que celui-ci signale sa présence et que tu tapes je ne sais quoi sur ton téléphone. En partant, je capte ton attention : J’ai passé une partie de l’après-midi de la veille à trouver une bd érotique de cet auteur dont je t’avais parlé pour te l’offrir. Tu poses un baiser sur ma joue. « Je crois que mon voisin de table s’est demandé si il se passait quelque chose entre nous », me confies-tu, espiègle, alors que nous marchons vers le prochain bar. « Tu ne me boudes plus ? », risque-je. « Je ne t’ai jamais boudé », affirmes-tu.

L’alcool commence à échauffer les esprits. Tu croises souvent mes yeux posés sur toi, et affiches le même sourire enjôleur, sans qu’aucune parole ne me vienne. Je me demande si elles seraient nécessaires. Bientôt les langues se lient autour de la table. Je ne sais plus combien tu en embrasses, mais les caresses et les baisers que tu échanges avec cette jolie rousse semblent affoler tous les clients du bar. Je sais que tu tentes une approche alors que je suis en grande discussion avec un autre, entre deux baisers échangés ailleurs. J’accélère ma consommation d’alcool, en me maudissant d’être aussi peu social. Je me rends compte que l’Australie m’a appris à me taire et à écouter : N’ai-je donc plus rien d’intéressant à dire, ou tout ce que je pouvais affirmer avec force autrefois m’apparait-il aujourd’hui si futile ? D’un timide bavard intarissable, je ne suis plus qu’une oreille parfois attentive.

Tu me tends un autre shot de tequila, que j’accepte, faut-il que tu puisses me faire faire n’importe quoi, de boire avec un jus de tomate, alors que j’exècre le Bloody Mary. J’ai envie de retrouver ce goût sur tes lèvres. D’ailleurs, les tiennes ne tardent pas à retrouver le chemin de celle que tu sembles avoir choisie pour la soirée, alors que tes hanches sont dangereusement proches de moi. Je me souviens que tu désignes certains des hommes autour de toi, et que tu dois sous-entendre qu’ils ont tous été tes amants, ou le sont encore. Je ne sais plus comment ton amie avec qui je discute te demande : « Mais qu’en as-tu à faire, c’est ton amant ? » en me désignant. Mais je me souviens du plaisir ressenti quand tu claironnes en répondant positivement, exposant ainsi l’intimité pourtant toute naissante de notre relation. Est-ce ta main qui se perd sur le haut de mon pantalon ? Ou mes doigts qui trouvent le chemin de tes cuisses pendant que tu embrasses la jeune fille ? Je découvre ta culotte humide sous mes doigts alors que je continue distrait ma conversation. Mon esprit entier est projeté vers ton corps qui ondule contre celle dont tu parcours les lèvres. J’imagine autant que je sens ton plaisir affiché de ses lèvres et celui secret de mes doigts qui doivent se conjuguer en toi. Plus tard ce sont tes lèvres que j’ose enfin prendre d’un assaut presque timide alors que tes yeux me réclament.

Comment ton corps se retrouve-t-il contre le mien ensuite ? Nous sommes deux au milieu d’une foule. Tu es toute entière blottie contre mon corps qui ne demande qu’à t’envelopper. Et nous échangeons les quelques mots qui devaient être dits entre deux baisers. « Tu m’as manquée », dois-je te susurrer. « Je n’étais plus sérieuse au travail… Je croyais que tu avais trouvé d’autres filles à caresser », dois-tu me répondre. Est-ce une pointe de jalousie que j’entends dans ta voix ? N’as-tu donc pas compris encore que tes bras sont justement ceux qui me gardent d’autres étreintes moins porteuses de sens ? Que je te bénie d’emplir mes pensées suffisamment pour que je ne me perde plus contre des corps que je ne désire pas ? Je jubile à me laisser penser que malgré nos esprits encore inconnus l’un de l’autre, tu pourrais tenir un peu à moi, tout en te serrant à nouveau.

Quand donc enfin te glisse-je à l’oreille ces mots qui me paraissent si curieusement évidents ? « Si je suis amoureux de toi, je dois aimer ton homme ». Absurde pensée si juste à mes oreilles, que mon esprit embrumé ne comprend pas encore lui-même. Toujours est-il que quand tes lèvres trouvent de nouveau les miennes pour me remercier d’un verre que je t’offre ainsi qu’à ta moitié, je me sens gêné, et enchaîne en le regardant d’un « toi aussi ? » qui n’attend pas de réponse pour que je touche ses lèvres. Un peu maladroitement, d’ailleurs, puisque je crois heurter aussi son nez dans ce baiser.

Sur le chemin du bar où nous finissons la soirée, c’est à mon bras que tu te trouves. Nous échangeons des impressions sur une autre jeune fille qui me touche, une amie proche de toi, que je te sais avoir enserrée avec ou sans ton homme sans doute plus d’une fois. Cette complicité m’amuse évidemment, et c’est avec sérieux que tu balises quelque peu mon chemin jusqu’à elle.

Je m’étais interrogé plus tôt sur ce qui pouvait se passer dans la tête d’un autre couple, dont la femme embrassait goulûment un autre homme sous le regard calme de son compagnon. Ou était-ce de la contrariété rabrouée ? J’ai été étonné et confus que ma curiosité me semble si déplacée pour eux, et la réponse si vague. Mais dans cet ultime bar, attablé avec ton compagnon et deux autres hommes, je risque à nouveau le sujet de ces étreintes. Je suis effrayé de la réponse de l’un d’eux, où ne perce aucune magie. Je me dis que s’il ne la voit plus, il ne mérite pas tes faveurs, qu’il a certainement déjà connues. Mais je sens bien dans ma propre histoire qu’il a peut-être raison. Mon esprit se révolte : Non, je saurais conserver désormais la magie de mes caresses si longtemps perdue.

Alors que tu es soudain attablée en face de moi, je ne trouve d’autres mots devant ta beauté effarante que : « Tu es magnifique », que j’ai déjà dû te répéter cent fois. « Arrête de me draguer », me réponds-tu… « Ca marche », souris-tu alors que mes mains s’agacent de ne pouvoir monter plus haut à l’intérieur de tes cuisses sous la table trop large. Je dois sans doute visualiser tes fesses rondes que j’ai aperçues plus tôt quand tu l’embrassais elle. Avoir envie de goûter à nouveau ta peau.

Tu étais partie, non sans avoir insisté pour que je sois là le lendemain dans un irrésistible sourire, quand une femme bien faite mais sans charme me fait ouvertement des avances devant deux des compagnons de soirée restés derrière. Je me demande sans trop en douter si je vais pouvoir y résister en écoutant son histoire autant par politesse que par intérêt avant de réussir à m’en détacher.

Dans le métro qui me ramène chez moi, je retrouve la plénitude de te laisser envahir ma tête. Je sais le sourire qui habille mon visage alors que mon regard se perd. Je repasse le fil de cette soirée entre chacun de nos échanges, et mes pensées retrouvent une cohérence : Pourquoi ne suis-je pas habité par le doute ? Je me rappelle une fois où celui-ci ne m’avait pas non plus submergé : Cette jeune femme également engagée qui m’avait laissé parcourir son corps dans un bar, sur un quai de métro, pour finir par cette non-étreinte sur les marches de la Défense à Paris. Et le bonheur ressenti alors est étrangement similaire. C’est donc ça : la magie du désir, quand il n’est terni d’aucune autre perversion ou dessein que la soif de l’autre. Voilà donc pourquoi ton homme est important : Il me garde de me projeter avec toi autrement que dans ce délicieux jeu de faux-dupes. Je sais trop bien les tourments dans lesquels me jettent la perspective de m’engager en un autre, tourments que je n’ai pas encore appris à simplement diluer dans le présent. Ainsi je peux me laisser vibrer dans tes grands yeux noirs. J’avais peur de me perdre dans des sentiments absurdes ; Je m’y retrouve au contraire, et tes bras me guident pas à pas vers un plus beau chemin.

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