10 mars

2015
10.03

Et la vie, étonnamment, ne s’arrête pas.

Bien sûr, nombre de jours me ramènent l’idée que je serais bien, étendu auprès d’eux, apaisé enfin, et ne ressentant plus la souffrance de leur absence. Bien sûr, pas un jour ne se passe sans que mes pensées ne se tournent vers eux, perdus à jamais. Et souvent encore, et juste maintenant, les larmes me montent aux yeux.

Mais je me souviens aussi des promesses que j’ai faites sur cette tombe double. Où une troisième place m’attend déjà. Ils avaient 60 et 70 ans. C’est encore une cinquantaine d’années qu’on a volé à ceux que j’aimais, et qui m’ont fait. 50 années que je leur dois. 50 années que je ne dois pas gaspiller, que je dois vivre, coûte que coûte, parce que eux n’auront pas cette chance. Malgré la douleur, cette douleur, et toutes les autres, à cause de cette douleur, je dois tenir.

Aujourd’hui, Maman, tu aurais eu 61 ans. Aujourd’hui, je t’aurais surement fait envoyer quelque chose, surement en retard, comme cet anthurium pour la fête des mères, et qui est encore là-bas, dans notre maison, et que j’arrose dès que je le peux.

Au lieu de cela, je suis retourné au dernier endroit où tu seras jamais, et j’ai mis quelques roses dans un vase, quelques mètres au-dessus de toi. Et j’ai pleuré.

Aujourd’hui, j’ai aussi passé la journée dans les bras d’une surprise, que je pourrais presque te soupçonner, Maman, d’avoir envoyée là. Parce que, étonnamment, la vie ne s’est pas arrêtée. Parce qu’étonnamment, j’ai pu faire l’amour à cet ancien amour, si doucement, si tendrement, quand elle venait me voir, me porter, quelques semaines après qu’ils soient partis, alors que je n’avais pas touché une femme depuis des mois. Parce qu’étonnamment, j’ai retrouvé ensuite le chemin du plaisir dans les bras d’une compagne de jeux à l’écoute, et ouverte à toutes les folies qui me passent par la tête. Parce qu’étonnamment, aujourd’hui, je me suis senti si doucement vibrer pour une inconnue qui passait par là par les hasards des jours, et que mes mains sur son visage et sur son corps m’ont rappelées encore une fois que je pouvais respirer. Exister. Vivre.

Je ne sais où vous êtes tous les deux, aujourd’hui. Je ne crois pas, à mon grand désespoir, que vous fussiez ailleurs que dans mon cœur, meurtri et asséché, mais autel de votre mémoire, tant qu’il battra. Mais aujourd’hui, autant de femmes que d’années ont passées dans ma vie, me rappelant si souvent à mon corps qui, lui, veut se battre et exister. Rappelez-moi toujours cette pulsion de vie qui m’assaillît quand les vôtres se sont éteintes. Aidez-moi à me rappeler que je me bats aussi pour vous. Parce que c’est tout ce que vous souhaitiez pour moi. Rappelez-moi que l’amour transcende mes bassesses, mes erreurs, mes faiblesses. Et que quand mon corps retournera à la terre. Quand ma vie s’éteindra enfin. Je ne devrais rien regretter, et me laisser filer pour, le devoir accompli, me fondre à vous, dans le néant, qui sera l’endroit où je pourrais, une ultime fois, vous prendre dans mes bras.

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