Envole-moi

2007
16.11

On est un peu après le solstice de printemps, si je me souviens bien. Mais ça n’a pas d’importance. Enfin, si, ça en a, parce que c’était sans doute la période des mariages.

Elle revenait d’un mariage, justement. Son compagnon l’avait accompagné. Elle était très amoureuse. Je le sais parce que j’ai su sa première nuit avec lui, dans une chambre d’hôtel, et les meubles renversés quand il l’a portée pour la prendre. J’ai un peu moins su sur les autres.

J’étais toujours le confident. Et un peu plus, si je me rappelle bien. Nos conversations déviaient encore, souvent. Elle refusait de baiser sur le fauteuil du salon, parce que j’avais aimé la prendre dessus, et que nous n’avions pas fini l’étreinte.

Ce soir-là, donc, le 4*4 de location avait eu beau fendre les autoroutes de Bretagne à Paris, elle avait raté son train. Lui filait tout droit, vers l’Allemagne, ou la Suisse, je ne sais pas trop par où l’on passe pour l’Autriche. Coup de fil.

« J’ai raté mon train, je peux dormir chez toi ? Je repars demain matin ». Bien sûr qu’elle peut dormir chez moi. La voilà donc qui arrive, un peu énervée des tensions de la voiture avec son homme, stressée, agacée, surement. Je la regarde aller et venir dans l’appartement, s’installer sur le balcon pour fumer son énième clope de la journée. Je me dis qu’elle est belle.

On parle, elle est lasse, je finis par déplier le lit. Et puis lui propose un massage, évidemment, elle a les yeux tellement… Je ne sais pas. L’histoire est classique, j’enlève son haut pour mieux prendre possession de son dos, elle devient lascive, semble fondre dans le matelas. Je crois qu’elle doit enlever son pantalon toute seule. Nous sommes toujours les dupes du fameux massage. Elle doit demander ce que je veux, je crois. Pour toute réponse, je m’allonge contre elle pour qu’elle sente la formidable érection qui déforme mon pantalon entre ses fesses. Aucune réaction.

Et puis tout devient flou. Je sais mes doigts qui la fouillent, ma langue entre ses cuisses. Je sais qu’elle n’a pas quitté sa position allongée, sur le ventre. Je sais qu’elle n’a pas dit oui. Et puis, je ne sais pas comment elle a dit non. Alors que ses fesses se collaient à moi. Non. Bien sûr, je sais qu’elle a subi un viol étant plus jeune. Elle est guérie depuis, mais elle a gardé ce fantasme, et elle sait combien j’aime la dominer dans nos rapports. Alors elle dit non. Je l’insulte, la malmène quelque peu. De temps en temps, elle donne un coup de hanche aléatoire pour me faire sortir. Je replonge en elle en la couvrant d’injures pendant qu’elle se tortille pour faire semblant de ne pas aimer ça. Je cramponne ses mains au-dessus de sa tête, cloue ses hanches au matelas.

L’excitation a posé un voile sur toutes ces scènes. Je ne sais plus comment je l’ai retournée, plus pourquoi je n’ai pas joui, je la vois allumer une cigarette, après. La plus belle étreinte qu’elle m’ait offerte, et la porte vers l’univers du BDSM. Je me demande souvent si ce n’est pas lui, le fantasme ultime qui donne naissance à ces pratiques. Soumission, violence. Un viol rendu acceptable ? L’un qui possède de sa simple volonté, et l’autre qui n’a plus qu’à subir.

Le lendemain, elle me dit à la gare qu’elle va se marier. Avec lui. Je me souviens qu’elle m’avait dit que c’était son enterrement de vie de jeune fille, la veille, et qu’elle avait peur de me faire mal. Peu importe. C’est encore à moi qu’elle pense les rares fois où sa main va vers ses cuisses. D’ailleurs, elle est célibataire.

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