Cinq ans. Il aura fallu cinq ans ; un appartement débordant des souvenirs de mes parents disparus, littéralement en travers de mon passage ; Un procès qui n’en finit pas pour récupérer encore plus de souvenirs ; Des travaux perpétuellement repoussés dans mon futur havre de paix ; La solitude de si peu d’amis autour de moi ; Et le départ de mon petit trésor. Cinq ans pour que je finisse enfin par m’effondrer.
Je l’appelais pourtant si souvent de mes voeux : Je rêvais de me retrouver enfermé, mais surtout coupé de toutes ces choses qui m’enfonçaient, croulant sous le poids de la folie de les avoir perdus. Et c’est arrivé. Une nuit, après une semaine plutôt paisible malgré le départ inattendu de mon aimée. Réalisant enfin ce que cela signifiait cette fois-ci : Qu’elle passait à autre chose, passait dans d’autres bras, passait de nouveau par ses turpitudes, qu’elle ne jugeait pas intimes, mais qui étaient si chères à mes yeux que je ne supportais pas qu’elles puissent être à vendre. Elle passait à autre chose, alors que je n’avais pas encore réalisé qu’elle était vraiment partie. Elle allait se vautrer dans sa sensualité qu’elle avait abandonné avec moi, et, naïf que j’étais de ne pas l’avoir vu, trouver aussi rapidement qu’elle m’avait trouvé moi de nouveaux bras à chérir. Comment ne pas avoir vu que ce que j’avais cru une histoire exceptionnelle n’était finalement pas plus qu’une jeune fille qui se cherche et croyait se trouver en moi, comme elle allait croire se trouver dans les suivants ?
Des appels désespérés, au milieu de la nuit, à tous qui de près ou de loin auraient encore pu m’écouter. Une recherche google pour trouver ceux qui écoutent quand on souffre. L’attente, le noeud au ventre, même à ce numéro, interminable. Raccrocher de ne pouvoir parler assez vite. Enfin quelqu’un qui rappelle, ensommeillée et impuissante devant mes hoquets de pleurs hurlants, puis une autre, tendre amie, qui m’accompagne jusque dans les brumes du néant réparateur, aidé d’un médicament. Le lendemain matin, une qui enfin comprend ; qui sait ; qui va venir, de loin, pour m’accompagner. Les sanglots qui viennent de ne plus avoir à porter ce poids. La journée qui défile. Ne plus être seul. La communion et des sourires arrachés. Les urgences. Raconter, dans le brouillard de mon esprit, la même histoire à de multiples oreilles. Mon visage ravagé par les cernes et la souffrance : « Vous faites plus vieux que votre âge ». L’ambulance. L’absurdité d’une conversation badine avec un accompagnant égocentré. Et enfin la fin du voyage, dans un lit d’hôpital, presqu’au petit matin.